Pour tous les médias, qui se reconnaîtront, qui se disent blasés de l’autisme, des associations et de leurs campagnes, et des parents qualifiés par certains d’"hystériques et de pénibles", sachez que nous nous battons simplement pour nos enfants, pour faire valoir leurs droits, pour les aider à progresser, à devenir autonomes et leur permettre d’être heureux.
Le travail des médias est d’informer et d’alerter l’opinion. Ils sont la force vive d’un pays. Ce sont des témoins, des passeurs lorsque l’injustice frappe les plus faibles. Voilà pourquoi il est important de nous aider à parler de l’autisme en essayant de sensibiliser le plus grand nombre.
Malgré la Loi sur l’égalité des chances de 2005, des plans autisme successifs, des condamnations de l’ONU et du Conseil de l’Europe, la situation en France reste catastrophique. Des familles précarisées, des personnes autistes sans prise en charge et sans accès à l’éducation et à l’école, des discriminations, des maltraitances… La liste est longue, sans oublier l’exil forcé en Belgique.
Les pouvoirs publics se bouchent les oreilles
La société française ne semble plus être en mesure de faire face à l’autisme : vielles méthodes, structures d’accueil vieillissantes, maison départementales qui accusent un retard de six mois dans le traitement des dossiers, non-spécialisation du corps médical, auxiliaires de vie scolaire (AVS) non-formés…
Quel est le pays démocratique, digne de ce nom, où les pouvoirs publics se bouchent les oreilles pour ne pas entendre tous ces parents qui appellent au secours ? Ceux qui se suicident, ceux qui font des grèves de la faim, ceux qui retirent leurs enfants du système, au mépris de leur liberté, ceux qui montent sur des grues pour que leur enfant ait simplement le droit d’aller à l’école...
Un pays où la ministre de la Santé ne suit pas les préconisations de la Haute autorité de santé(HAS), qui préconise les méthodes comportementales pour aider les enfants autistes à sortir de leur silence, les faire progresser et diminuer leurs troubles du comportement.
La maltraitance de mise
A-t-elle fermé les structures où la psychanalyse, le gavage de médicaments et le "packing", méthode considérée par l’ONU comme maltraitante et condamnée par cette instance internationale, sont encore de mise ? Non.
Preuve en est de cette confusion : des journalistes non informés en font encore la promotion dans certaines émissions.
Pourquoi refuser le remboursement intégral des soins nécessaires à nos enfants alors que l’on jette des sommes considérables en subventionnant sans aucun contrôle des hôpitaux de jour et autres instituts ? Combien de subventions pour ce centre psychiatrique dans l’Ain, qui vient d’être enfin épinglé pour maltraitance envers ces patients, attachés près de 23 heures sans pouvoir bouger.
Où êtes-vous?
Où sont les grands philosophes, intellectuels et personnalités médiatiques, les Michel Onfray, Raphaël Glucksman, Laurent Joffrin et Edwy Plenel, pour lesquels je nourrissais auparavant un peu d’admiration ? Ces grands chantres de gauche, dont je partage les idées sur les questions des réfugiés, des sans-papiers et des banlieues défavorisées, adoptent une posture indifférente, presque méprisante, lorsque l’on tente de leur parler de ces 650.000 personnes qui vivent à côté de chez eux, dans une détresse insupportable.
Combien de témoignages de parents devrais-je supporter de lire ? Comme, par exemple, cette femme d’agriculteur, maman d’un autiste de 16 ans devenu un enfant sauvage parce que privé de scolarisation et de soins à cause du rejet de l’administration et de la non-spécialisation des médecins et psychologues en autisme de sa région, dans le Gers.
Où êtes-vous aussi Messieurs et Mesdames les élus, si prompts à tweetter et à faire le tour des plateaux télé pour nous parler de ce que vous ferez lorsque vous serez au pouvoir, mais incapables de faire avancer cette cause qui végète depuis des décennies, malgré des plans autistes, estampillés "grande cause" ?
"Mesurettes"
Comme d’habitude, en lisant cette tribune, vous minimiserez la situation en disant qu’elle n’est pas "catastrophique" mais seulement "alarmante".
Les ministres tenteront de me jeter à la figure toutes ces mesurettes annoncées le 2 avril, qui cherchent à prouver tous les efforts politiques. Les autres diront que je suis excessive, comme tous les parents d’enfants autistes, parce que je suis en souffrance.
Je leur répondrai que je ne suis pas une mère en détresse mais que je reste une journaliste devenue auxiliaire de vie scolaire pendant deux
ans pour mon fils, afin de combler le manque en personnel formé par l’éducation nationale.
Que je suis une mère qui se bat pour le droit de son enfant et de ceux des autres, une citoyenne française qui croit en la justice, l’égalité, la fraternité, solidarité, les valeurs de mon pays, celui des droits humains. Je crois aussi à la force des mots.
Indifférence générale
Que j'aime mes semblables au point de ne plus supporter de voir toutes ces familles se précariser et souffrir au quotidien dans l’indifférence générale.
Que je ne supporte plus de voir que l’on prive toutes ces personnes autistes de soins parce que cela dépend du niveau social de leurs parents qui ne peuvent pas, la mort dans l’âme, leur offrir ces méthodes comportementales. Une prise en charge qui coûte 3.000 euros aux parents, alors que certains gagnent tout juste 1.300 euros par mois.
Que je ne supporte plus cette maltraitance dont les personnes handicapées sont victimes dans certains instituts.
10 mesures concrètes
Oui, mon ton est grandiloquent, parce que je contiens dans ma gorge tous les sanglots de ces familles qui appellent au secours.
Si notre société, nos humanistes, nos élus ne sont plus capables de voir ce qu'il se passe sous leurs yeux, en France, et de changer le destin de ces milliers d’autistes, qu’ils détournent comme d’habitude leurs regards vers les causes bien pensantes, qu’ils ressortent à la veille de chaque élection.
Mais sachez que les familles ne se laisseront plus faire, parce que les droits et la dignité de nos enfants autistes ne peuvent plus être différés.
Voilà pourquoi nous remettrons aux médias, aux élus et au président de la République, un manifeste composé de dix mesures concrètes, applicables et nécessaires afin de permettre à tous
ces enfants autistes d’avoir enfin un avenir dans leur pays.